Les joies du rangement...

Nemesis sortait de son premier cours de l'année. Il avait sous-estimé l'emprise que le Dieu exerçait sur lui et sentait une migraine atroce poindre. Errant dans les couloirs, il sut immédiatement quel était le seul endroit où il se sentirait bien, seul et apaisé autant qu'un Dieu obscur pouvait l'être. Il ouvrit en grand la porte de la bibliothèque et resta immobile quelque secondes. Par les Sept Dieux, que c'était-il donc passé ici ? Il ne savait s'il devait se mettre à crier sur la première personne qu'il voyait, rire à gorge déployé où juste arborer cet air froid qui lui était coutumier. Il se reprit et, s'appuyant sur le chambranle de la porte, il croisa les bras avec un sourire en coin.

Il venait d'apercevoir Elen perdue au milieu des livres qu'elle était vainement en train de trier. Agenouillée au sol, un carnet dans une main, un crayon sur l'oreille, ses mèches brunes se perdait sur son visage et elle passait son temps à les remettre derrière son oreille. Elle avait l'air aussi fatiguée qu'abattue. Vu l'étendue du travail qui l'attendait ce n'était pas étonnant.

Certains souvenirs lui revinrent en mémoire. Nemesis était resté dans la même classe pendant des années. Persuadé de ne pas avoir atteint le niveau de contrôle auquel il aspirait, il avait continué à travailler comme un forçat et encore aujourd'hui, il se demandait s'il était vraiment près pour enseigner.

Il avait rencontré Elen alors qu'elle avait à peine une douzaine d'années. Mignonne fillette, aux airs si adorables qu'elle s'était rapidement accordé l'affection de tous les élèves de sa classe et même du personnel du lycée. Et cette affection n'avait cessé après les années. Bien que discrète ses sourires étaient la chose la plus adorables au monde. Et pourtant, juste après avoir été avec sa cour, elle avait toujours cette mine de dégout et de haine envers tout le reste de l'humanité.Ce qui poussait une certaine personne à ne pas croire à ce masque pullulant d'hypocrisie. Nemesis n'avait jamais eu les scrupules des ses camarades et n'avait jamais obéi ni aux professeurs, ni au Directeur qui avaient toujours précisé que les pouvoirs d'esprit devait être utilisé avec précaution et surtout modération, quitte à ne pas les utiliser du tout. Il s'était rapidement rendu compte que sa nature de Dieu, empêchait les autres de lire ses penser ou de scruter de son âme. Et il profitait de cet atout comme un gosse profitait d'n nouveau jouet.

Il avait vu la nature profondément manipulatrice d'Elen, son égocentrisme presque forcé et cette haine intense pour sa famille. Et même s'il avait des siècles de plus qu'elle, si ce n'était en âge du moins en expérience, il ne pouvait s'empêcher d'avoir un pincement au cœur. Pur celui dont les parents n'existent que dans l'imaginaire et dont la vie a servie de prototype à une expérience malsaine, il est dure de voir une gamin rejeté sa famille, qu'elle qu'en soit la raison.

Jamais, il n'avait prêté attention à cette gamine hypocrite, jusqu'au jour où, avec cette voix doucereuse qu'elle avait dés lors que ses intérêts était en jeu, elle lui avait parlé. Sans doute avait-elle cru bon de faire ami-ami avec le soi-disant fils du directeur. Il ne savait plus comment il avait fait mais, il l'avait envoyé valser. Mais, elle avait persisté jusqu'à lui sauter à la gorge dans l'espoir de le voir réagir, et Nemesis dans sa nature froide l'avait laissé faire. Puis un jour, sans prévenir, elle laissa tomber le masque. Et Nemesis put apercevoir que tous les ressentiments qu'il avait eu envers elle n'était pas tous justifié. Certes elle était égoïste, manipulatrice et se fichait du reste du monde. Mais plus que quiconque, il pouvait comprendre le rejet. Et il l'avait comprise, tout simplement, sans avoir à scruter ses sentiments.

Depuis, Nemesis et Elen partageait une relation qui ne pouvait réellement être qualifiée d'amitié puisqu'elle n'était basé que sur l'envoie de piques plus ou moins cruelles. Nemesis avait fini par trouver chez Elen, un adversaire digne de ce nom. Ils se parlèrent de temps à autres au cours de la scolarité d'Elen.

Puis, par un malheureux concours de circonstances, Nemesis devint directeur. Quelques mois plus tard, Elen vint la voir et lui dit l'air sérieux:

-Je sais que j'ai fini mes études et que je devrais m'en aller mais, je suis sûre de ne pas avoir terminé mon apprentissage. Quitte, même, à prendre un poste de professeurs, je veux rester.

Nemesis s'était alors retourné et avec un sourire carnassier avait répondu:

-Tu croyais vraiment que j'allais te laisser partir ? On est en manque de personnel, j'ai besoin de quelqu'un pour s'occuper de la bibliothèque.

Elen en était resté abasourdie pendant quelques instant et avec un air peu gratifiant pour sa physionomie avait répondu:

-Quoi.

Depuis, elle s'occupait de le bibliothèque et à voir l'état dans lequel elle était, ce n'était pas une mince affaire. Elle venait de l'apercevoir.

-Bonjour, Maître Nemesis.

Il soupira et se redressant, s'approcha et s'assit sur un paquet de livres renversé. Il remit en place sa chemise noire et dit avec une pointe d'exaspération:

-Pourquoi vous vous obstinez tous à m'appeler Maître ?

Puis sans vraiment attendre de réponse, il ajouta:

-Que c'est-il passé ici ? Un, ouragan ou juste une maladresse de ta part ?

Spoiler:

Le jeune directeur s'était assis sur un pile de livres en vrac, sans vraiment faire attention au travail de sa bibliothécaire. La bibliothèque véritable sanctuaire de la lecture et également oeuvre d'art par ses gigantesques étagères incrustés, ce plafond entièrement de verre et les lourdes portes de chêne gravés, avait été saccagée par le plus grand vandalisme. Les quelques étagères qui n'était pas incrustés dans les murs étaient étalées par terre, déversant leur contenu sur le sol de marbre blanc. Les hautes balustrades qui permettait d'atteindre les plus haut étages étaient en cendre et le jeune directeur avait cru repérer quelques carreaux brisés. Quant aux livres ils était éparpillés sur le sol, en tas informes et peu attirant... Surtout pour celle qui devait les ranger.

- Hahaha ! Tellement drôle que j'en ai oublié de rire... C'est à cause d'une de vos charmantes élèves, qui a apparemment jugé être une bonne action que de me rajouter encore plus de staff !

Ah... Il devrait peut-être trouver la responsable... Mais plus tard. La il avait mal au crâne et une furieuse envie d'envoyer bouler tout le monde. Il observa Elen. Elle pouvait vraiment être jolie quand elle voulait. Il aimait bien la voir en plein travail. Bon, d'accord , en partie parce qu'il aimait bien la voir souffrir et la quantité de travail qui l'attendait la rendait aussi furieuse que desepérée, ce qui était une grande joie pour lui. Mais, d'un point de vue totalement extérieur, elle avait du charme, non pas jusqu'à parler de beauté mais ses yeux bruns et ses courtes mèches de la même teinte lui donnait un petit côté enfantin ravissant.

- Je suppose que ça vous tuerait de m'aider ne serait-ce qu'un peu !
-Laisse moi réfléchir... Non ? J'ai déjà suffisamment de boulot comme ça.

Mais, néanmoins, en soupirant... Et sans se lever de son siège improvisé, il utilisa son pouvoir, sous la forme de tentacules (encore) et attrapa les livres pour les remettre à leur place. 9a irait sans doute plus vite à deux.

- Sinon, votre premier jour s'est bien passé ?

-Bah écoute, ils sont très gentils mais je crois vraiment que je suis pas fait pour être prof... J'ai failli en écarteler un, ce matin. Remarque, en guise d'exemple c'est pas mal...

Lui même n'y croyait pas vraiment...

Toujours magistral sur son tas de livres, Nemesis croisa les jambes de la manière la plus arrogante possible. C'était un être doté d'une arrogance et d'un mépris pour tous ceux qui lui étaient inférieur, autant dire presque tout le monde. Pourtant sa relation avec Elen était particulière. Elle avait une présence.... Tranquillisante. (admire la référence !) Il ne parlait pas beaucoup si ce n'était pour s'envoyer des piques monumentales mais ils se comprenaient dans leurs actes et dans leurs choix. Jamais il ne se l'avouerait mais la présence d'Elen lui était devenue presque indispensable. Maintenant qu'il y pensait, comment aurait-il pu survivre aux élèves, à l'administration qui le harcelait, à la paperasse qui s'accumulait, au poids des responsabilités, si Elen n'avait pas été là pour l'écouter déverser sa colère comme la conseillère patiente qu'elle avait toujours été.

Ses tentacules évoluaient autour de lui, lente mais précises. Ils étaient devenus une part de lui même. Il avait pris l'habitude depuis son plus jeune âge decontrôler sa magie noire et de les transformer en ces tentacules tranchants et meurtriers qui pouvaient pourtant lui servir de n'importe quelle manière. C'était devenu un automatisme. Il s'en servait pour tout et n'importe quoi et prenait conscience qu'il s'était transformé en une sorte de flemmard compulsif ce qui le fit sourire. Si le monde savait que la réincarnation d'un des Dieux les plus puissant existant était en fait une larve monumentale, sa réputation s'écroulerait d'un coup. Après tout, il ferait probablement en sorte que les calomniateurs ne puissent plus jamais s'en prendre à lui.... Ou à quiconque. Comme à chaque fois qu'il utilisait sa magie en sa présence, il remarqua qu'Elen était comme médusée par le pouvoir qu'il mettait en oeuvre. Ce n'était peut-être tant le pouvoir mais la manière dont il en usait qui impressionnait la jeune bibliothécaire. Une précision, une grâce meurtrière que peu pouvait se vanter d'avoir.

- J'aurai aimé voir ça ! Ca devait être très drôle ! Mais vous étiez seul avec les marmots ?

Il répondit calmement:

-Non, Quantum était avec moi. Le nouveau maître d'armes. Puissant, intègre et surtout utile... Un prof parfait. Pour moi en tout cas.

Il fronça les sourcils. Pour le moment, il n'avait rien à craindre du maître d'armes. Il était dévoué et à son service mais il était plus sage de faire attention. Nemesis ne pouvait faire confiance à personne. Même Elen n'avait pas encore gagner cette grâce qui, plus que l'amitié, avait un prix inestimable pour Nemesis. Il aurait pu être l'homme le plus charmant au monde mais jamais il n'aurait accordé sa confiance à ceux qui ne le méritaient pas et, la bibliothécaire qui pourtant était l'être le plus proche de lui, ne la méritait pas.

Un cri strident retentit au loin. Nemesis se détendit et sourit. Son Oste avait du trouver une proie facile. Perdu dans ses pensées, il entendu à peine la remarque que murmura la jeune femme:

- Je me demande ce que cela fait de savoir qu'on a tous les droits sur quelqu'un...

Il sourit avec un air mélancolique qui rehaussait sa beauté ténébreuse, mystérieuse.

-Les droits qu'on peut avoir sur quelqu'un ne sont jamais qu'une illusion. Tu as autant de droits sur moi que je n'en ai sur toi. La seule différence c'est le pouvoir. Retiens-bien ce que je te dis, Elen. Le pouvoir est la seule chose qui te permettra d'atteindre ton but. La pouvoir uniquement.

Il avait pris son ton de Dieux et ses yeux virèrent aux rouges pendant un instant. Sa quête de pouvoir n'avait jamais été assouvie et il savait que n'importe qui aurait pu être son égal s'il n'avait pas été un Dieu. Mais il ne sera jamais satisfait. Il n'était pas encore suffisamment puissant. Il avait besoin d'un adversaire de taille. D'un vrai adversaire. De quelqu'un qui même malgré une différence de pouvoir flagrante, n'aurait pas peur de s'en prendre au Dieu, n'aurait pas peur de lui ne serait-ce que par sa présence.

Il regarda Elen avec une regard d'envie que jamais il n'aurait pu penser avoir. Elle n'était pas si puissante et pouvait continuer à évoluer car ses erreurs étaient flagrantes, même pour elle. Lui était bien trop orgeuilleux et surtout bien trop divin pour prendre ses erreurs en compte.